Travaux fondateurs sur la communication sonore chez les primates
Abstract
Les proximités anatomiques homme/singes amènent très tôt les naturalistes à s’interroger sur la nature
de la communication sonore des singes. Les sons qu’ils échangent s’apparentent-ils au langage humain?
Le tout premier travail sur les sons des primates est celui de Garner à la fin du 19e siècle. Ce précurseur
réalise également les premières expérimentations en rediffusant aux animaux les sons enregistrés (en
1892). Le premier descriptif d’un répertoire vocal est dû à Carpenter en 1934 sur les hurleurs. Ce travail
restera longtemps isolé.
Au 20e siècle, les recherches effectuées cherchent à tester les capacités des primates, et surtout des
grands singes, à acquérir des sons pour « apprendre à parler ». Ce sont les travaux des Hayes apprenant
l’anglais à un chimpanzé: les résultats sont peu probants.
Cet échec va réorienter les recherches vers les signaux visuels. Ainsi, les Gardner réussissent à
apprendre le langage des signes à un chimpanzé. Ces travaux précurseurs vont donner lieu à un
développement important des recherches dans ce domaine, visant à tester les capacités des grands
singes à apprendre un répertoire de signaux visuels artificiels ainsi qu’à les organiser selon une
structure. Cette filière sur la syntaxe ne semble plus attirer l’intérêt des chercheurs, faute de
résultats probants. Entretemps, Lieberman va mettre en évidence que l’homme se différencie des singes
par la descente du larynx et la formation d’un pharynx. Cette caractéristique anatomique qui rend buccal
au lieu de nasal le tractus vocal, est la première explication plausible de l’inaptitude des singes à parler.
Avec le développement des études de terrains induites par DeVore sur les babouins, puis l’apparition
après la deuxième guerre mondiale des analyseurs sonores, la description des répertoires sonores de
différentes espèces va augmenter considérablement. Les éthologistes s’intéressent aux fonctions
immédiates des différentes catégories vocales qu’ils décrivent.
En se basant sur les recherches de Struhsaker sur les vervets, Seyfarth et Cheney vont orienter
pendant des décennies les travaux sur la communication acoustique des singes vers la recherche
systématique des signaux référentiels pour démontrer qu’ils ont des rudiments de langage. Ces travaux
ont fortement influencé les recherches en bioacoustique sur les primates. Il faut cependant reconnaître
à ces deux chercheurs d’avoir : introduit l’expérimentation sur le terrain ; mis en évidence le rôle de
l’apprentissage social dans l’acquisition de la signification des différents types de sons du répertoire
des espèces au cours de l’ontogénèse.
L’absence de compétence des primates à acquérir des signaux sonores nouveaux et donc d’acquérir une
forme de « langage parlé » va mettre des décennies à être admise par les primatologues. Il faudra la
démonstration de la structure métissée des sons manifestés par les hybrides pour que l’on admette que
les vocalisations émises par les primates sont déterminées génétiquement. Ce fait établi, les sons vont
alors être utilisés comme de nouveaux caractères pour les reconstitutions phylogénétiques (Struhsaker,
Gautier), qui sont toujours pertinentes au regard des analyses génétiques actuelles.