Étude comparative des capacités de catégorisation chez deux espèces de mangabés
Abstract
Dans un milieu optiquement dense comme les forêts primaires d'Afrique, des capacités de catégorisation et de
généralisation semblent pouvoir être une réponse efficace face aux exigences posées par la sélection des fruits.
Parmi les nombreux travaux portant sur les capacités cognitives, notamment des Primates, rares sont ceux qui établissent
une étude comparative de deux ou plusieurs espèces, en utilisant strictement les mêmes paradigmes. Cette
présente étude vise à aborder les capacités de discrimination puis de catégorisation de sujets appartenant à deux
espèces de primates forestiers (Cercocèbe à collier : Cercocebus torquatus, et Lophocèbe à joues blanches :
Lophocebus albigena). Trois individus de chaque espèce ont été testés selon un paradigme de réponse instrumentale
avec apprentissage. Tout d'abord, les animaux sont entraînés à discriminer deux stimulus appartenant à
deux catégories distinctes ; l'une naturelle représentée par des items alimentaires (fruits et légumes) ; l'autre abstraite,
comprenant des formes géométriques. L'animal est placé devant un dispositif pourvu de deux cordes et doit
répondre en tirant une des cordes en fonction de la catégorie à laquelle appartient le stimulus présenté. Les sujets
sont entraînés d’abord avec deux puis quatre objets appartenant à deux catégories différentes. Une fois cet apprentissage
acquis, 283 stimulus nouveaux sont présentés, 133 stimulus de la catégorie "items alimentaires" et 150 de
la catégorie "formes géométriques". Tous ces nouveaux stimulus sont totalement inconnus des animaux, c'est-àdire
qu'ils n'en ont aucune expérience visuelle, olfactive ou tactile préalable. Les animaux ont acquis l'apprentissage
en 3600 tests, en moyenne. Lors des tests de généralisation, cinq animaux sur six catégorisent, d'une part,
les fruits et d'autre part, les formes géométriques. Ces résultats nous permettent donc de mettre en évidence les
capacités de singes forestiers à classer de nombreux objets uniquement sur une base perceptuelle visuelle. Cette
capacité de catégorisation est établie par la généralisation d’un apprentissage à un ensemble très varié d’items,
alimentaires ou abstraits, totalement inconnus. Ces résultats obtenus pour des individus de deux espèces différentes
et avec le même paradigme permettent ainsi une comparaison inter-spécifique efficace et nous permettent
d’affirmer que cette capacité de catégorisation existe et qu’elle semble être de même nature chez ces deux
espèces.