Matières premières argileuses et valeur ajoutée : le rôle des terres dans la diffusion des céramiques du Massif armoricain au Néolithique récent et à l'âge du Fer - Université de Rennes Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Bulletin de la Société préhistorique française Année : 2018

Matières premières argileuses et valeur ajoutée : le rôle des terres dans la diffusion des céramiques du Massif armoricain au Néolithique récent et à l'âge du Fer

Résumé

La diffusion des terres cuites peut être motivée par de nombreux aspects, tant au niveau de la chaîne opératoire de conception de l'objet --complexité de l'entreprise, temps et énergie investis dans la réalisation de l'objet-- qu'à son utilisation, son ornementation, sa forme ou encore son contenu. Cependant, de nouvelles recherches sur la matière première des céramiques du Massif armoricain ont démontré la diffusion de vases fabriqués avec plusieurs types spécifiques de pâtes issues de l'altération du socle cristallin, sur des distances supérieures aux poteries façonnées à partir de terres plus communes. Ces matières premières sont caractérisées par leurs raretés et par la présence d'inclusions minérales conférant aux céramiques des propriétés physiques et mécaniques particulières, comme une meilleure résistance aux chocs thermiques, une diffusion plus homogène de la chaleur ou encore une plus grande imperméabilité. Ainsi, à l'instar des artefacts lithiques comme les lames de haches en jadéite ou encore les perles et pendeloque en variscite, la céramique peut-elle être échangée en raison de l'utilisation d'une matière première spécifique, et dans ce cas, être considérée comme un objet à valeur ajoutée et être échangée en tant que tel? Afin d'apporter une nouvelle piste de réflexion sur la production et la diffusion des céramiques dans l'Ouest de la France, les résultats des études pétrographiques des terres cuites de plusieurs occupations situées sur le Massif armoricain et datant du Néolithique récent (3800-2800 av. n. è.) et du second âge du Fer (450-50 av. n. è.) seront présentés. Ce massif a la particularité d'être composé d'une grande diversité de roches magmatiques et métamorphiques, ayant pour conséquence que les terres utilisées pour façonner les céramiques sont issues des produits de l'altération météorique ou chimique des roches du socle. Par conséquent, les potiers avaient à leur disposition une multitude de types de terres, issues de la désagrégation de roches granitiques, gabbroïques ou encore ultrabasiques. Ces matières premières possèdent dès lors des inclusions minérales ayant des caractéristiques physiques et mécaniques pouvant influer sur la qualité des pâtes. Ainsi, pour le Néolithique récent, nous avons pu observer la diffusion privilégiée sur plus de 50 km de céramiques façonnées à partir des produits d'altérations des talcschistes, roches que l'on retrouve uniquement sur l'île de Groix (Morbihan), vers des sites à activités spécialisés, comme Saint-Nicolas-des-Glénan (archipel des Glénan, Finistère) et Er Yoh (île de Houat, Morbihan). Ces vases sont caractérisés par une abondance de gerbes de talcs au sein de leurs pâtes, conférant aux récipients une plus grande imperméabilité. Au second âge du Fer, plusieurs ateliers spécialisés de potiers se développent dans des régions où se trouvent des matières premières peu communes comme les massifs gabbroïques de Saint-Jean-du-Doigt (Finistère) et Trégomar (Côtes-d'Armor). Les céramiques sont notamment caractérisées par une grande quantité de grains d'amphibole, et la pâte de ces vases possède une meilleure diffusion de la chaleur et une plus grande résistance aux chocs thermiques. Enfin, les potiers exploitent également les produits d'altération des gisements de serpentinites de Ty-Lan (Finistère), dont les vases surnommés proto-onctueux se reconnaissent par un toucher doux et savonneux, mais aussi par la grande quantité d'inclusions de talc en leurs seins, leur conférant une plus grande imperméabilité. Ces zones de productions diffusent leurs céramiques sur plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres, bien au-delà des autres vases façonnés le plus souvent localement, en vue d'une utilisation domestique. Ainsi, plus la distance entre la source de matière première et la destination finale des vases est grande, plus ces céramiques sont découvertes dans des contextes rituels et non plus domestiques. C'est notamment le cas sur les sites de Mez Notariou (île d'Ouessant, Finistère), Karreg Ar Skariked (Finistère) ou encore de l'île aux Moutons (Finistère). Il semble donc que, comme pour les matières lithiques, les terres peu communes acquièrent un statut différent en fonction de leur qualité physique et mécanique, ainsi que de leur éloignement au gisement. Cet article se propose de lancer la réflexion sur la prise en compte de la matière première utilisée pour façonner les céramiques comme un des facteurs permettant d'expliquer la diffusion de ces produits.
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Dates et versions

hal-02116045 , version 1 (30-04-2019)

Identifiants

Citer

Benjamin Gehres. Matières premières argileuses et valeur ajoutée : le rôle des terres dans la diffusion des céramiques du Massif armoricain au Néolithique récent et à l'âge du Fer. Bulletin de la Société préhistorique française, 2018, 115 (2), pp.309-326. ⟨10.3406/bspf.2018.14892⟩. ⟨hal-02116045⟩
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