La zone de production sidérurgique de Locminé (Morbihan) au premier Moyen Âge : prospections pédestres, diagnostics et fouille préventive - Université de Rennes Accéder directement au contenu
Poster De Conférence Année : 2019

La zone de production sidérurgique de Locminé (Morbihan) au premier Moyen Âge : prospections pédestres, diagnostics et fouille préventive

Résumé

Depuis 2013, cinq campagnes de prospections menées par le CERAM autour de Locminé, dans le centre du Morbihan (communes de Bignan, Guénin, Locminé, Moréac et Plumelin), ont révélé une zone de production sidérurgique soupçonnée dès le XIXe s., en activité à l’âge du Fer et au premier Moyen Âge. En parallèle, entre 2011 et 2018, plusieurs opérations de diagnostics (SDAM) et de fouilles préventives (SDAM, INRAP et Archeodunum) ont apporté des données nouvelles sur la sidérurgie ancienne et son contexte archéologique. Ces opérations ont été déclenchées en préalable au projet d’aménagement par le département du Morbihan de la RN 767 entre Bignan et Evellys. Ce poster vise à dresser un premier bilan de l’activité sidérurgique médiévale à partir des prospections, des diagnostics et d’une fouille préventive réalisée par le SDAM à Beauregard (Moréac). Le minerai de fer exploité dans la région de Locminé est présent dans les formations d’altérites, probablement du Quaternaire, sous la forme de pisolithes et de rognons denses et lisses de couleur brun foncé à violacé. Les observations géologiques et les prospections récentes permettent d’envisager deux types d’exploitation du minerai. Le simple ramassage de surface dans les couches superficielles du sol a pu être facilement mis en œuvre. Pour atteindre les gisements filoniens enfouis à faible profondeur, des excavations à ciel ouvert ont également pu être réalisées, comme l’attestent les trois minières identifiées à Bignan, Moréac et Plumelin, couvrant une superficie de 5,5 ha environ. Celles-ci ne sont cependant pas datées et pourraient n’être que des créations récentes, le minerai continuant à être extrait jusqu’au milieu du XIXe s. Les prospections pédestres et les diagnostics ont permis la découverte de 91 ferriers à scories écoulées correspondant à autant d’ateliers de réduction directe du minerai de fer. À l’exception d’un seul site, les ferriers étaient tous arasés et dispersés par les labours. Six d’entre eux ont fait l’objet de datations 14C, qui situent l’activité sidérurgique entre la fin VIe s.-début VIIe s. et le début du XIIe s. Dans le détail, deux sous-groupes ont été définis, qui pourraient correspondre à des périodes d’activité différentes. Les sites livrant des scories écoulées « en cordons fins » (79 sites) semblent être les plus précoces. Ils seraient plutôt caractéristiques des VIIe-Xe s., alors que les sites à scories écoulées « en cordons vacuolaires » (12 sites) sont datés des Xe-XIIe s. D’autres analyses radiocarbones seront nécessaires afin de confirmer ou non ces première hypothèses de datations. La superficie des ferriers varie entre 240 et 2800 m², avec une moyenne de 892 m². Près des deux tiers des sites du corpus fait moins de 1000 m², ce qui permet de faire le constat de la faible superficie des ferriers de la région de Locminé au regard d’autres secteurs de production. Concernant les choix d’implantation des sites de production, on observe une forte corrélation entre leur répartition et la localisation des secteurs les plus riches en minerais. L’hydrographie ne semble pas avoir joué un rôle primordial dans l’implantation des ateliers. Ceux-ci sont majoritairement situés sur des plateaux, en particulier à leur sommet, où les gisements de minerais sont les plus denses. Un des ateliers repérés en prospection à Beauregard (Moréac) a fait l’objet d’une fouille préventive réalisée en 2018 par le SDAM, sous la responsabilité de Christian Peter. L’atelier est situé à proximité immédiate d’un enclos curviligne de 2800 m², fondé aux VIe-VIIe s. et qui perdure probablement jusqu’au XIIe s. A l'intérieur de l'enclos, un bâtiment rectangulaire sur poteaux de 40 m² environ, des fosses et des foyers domestiques ont été mis en jour. L’atelier sidérurgique, fondé dès le début de l’occupation de l’habitat, se compose d’un bas-fourneau ainsi que d’un foyer de post-réduction, vraisemblablement protégés par des petits bâtiments sur poteaux. L’activité se poursuit aux Xe-XIIe s., avec l’aménagement d’un second foyer de forge ainsi que d’une grande fosse de rejets charbonneux. Près de 350 kg de résidus sidérurgiques ont été recueillis sur le site, principalement dans le fossé d’enclos de l’habitat. Ils correspondent à des déchets de réduction (46 %) et de post-réduction (54 %), probablement issus des premières étapes de traitement de la masse brute de fer. Le site de Beauregard illustre ainsi la mise en œuvre des activités de réduction et de post-réduction sur un même atelier, qui n’est que soupçonnée sur un petit nombre de ferriers identifiés en prospection. Rappelons qu’une importante forge du haut Moyen Âge a également été fouillée par l’INRAP sur la commune voisine de Bignan et présentée lors des 39e journées de l’AFAM à Auxerre par Sandrine Barbeau et Nolwenn Zaour. Avec 91 ferriers à scories écoulées sur une superficie de 75 km² au minimum, la région de Locminé peut être considérée comme une zone de production d’importance moyenne (Serneels, Mangin, 1996). Elle trouve des comparaisons avec d’autres zones en activité au premier Moyen Âge, comme dans le Jura suisse (Eschenlohr, 2001), en Lorraine (Leroy et al., 2015) ou en Franche-Comté (Laurent-Corsini, Laurent, 2012). Régionalement, elle constitue un secteur de production majeur pour le premier Moyen Âge, d’autant plus que peu de sites de réduction sont encore clairement attribués à cette période. Des parallèles devront être recherchés avec les régions de Châteaulin (Finistère), Pléchâtel (Ille-et-Vilaine) et Châteaubriant (Loire-Atlantique), qui ont également livré des indices d’une production du début du Moyen Âge (Davy, 1913). Davy, M.-L., Étude des scories de forges anciennes éparses sur le sol de l'Anjou, de la Bretagne et de la Mayenne, pour servir à l'histoire de la métallurgie, Bulletin de l'industrie minérale, n° 13, p. 551-579. Eschenlohr L., Recherches archéologiques sur le district sidérurgique du Jura central suisse, CAJ, 88, 2001. Laurent-Corsini S., Laurent H., Un pic de production du fer en Franche-Comté pendant l’époque mérovingienne, in Peytremann É. (dir.), Des fleuves et des hommes à l’époque mérovingienne : territoire fluvial et société au premier Moyen Âge (Ve-XIIe siècle), actes des XXXIIIe Journées internationales d'Archéologie mérovingienne (Strasbourg, sept. 2012), Suppl. RAE, 42, 2016. Leroy M., Merluzzo P. Le Carlier C., Archéologie du fer en Lorraine. Minette et production du fer en bas fourneaux dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Fensch Vallée Editions, Knutange, 2015. Serneels V., Mangin M., Sidérurgie ancienne (Âge du Fer – Moyen Âge) : les zones productives principales entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, RAE, 47, 1996, p. 193-198.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02451174 , version 1 (30-04-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02451174 , version 1

Citer

Yann Dufay-Garel, Sébastien Daré, Cécile Le Carlier de Veslud, Aurélie Crowch, Christian Peter. La zone de production sidérurgique de Locminé (Morbihan) au premier Moyen Âge : prospections pédestres, diagnostics et fouille préventive. Un monde en mouvement : la circulation des hommes, des biens et des idées à l’époque mérovingienne (Ve-VIIIe siècle). Journées de l’AFAM 2019, Oct 2019, Nantes, France. ⟨hal-02451174⟩
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