Quelques repères pour mieux comprendre l'émergence du Gravettien en France
Résumé
Très peu de données documentent le passage de l’Aurignacien au Gravettien. Cet épisode voit pourtant une remise en question des traditions aurignaciennes dans l’ensemble de l’Europe. En France, où les données sont particulièrement indigentes, nous proposons plusieurs études de cas, fondées sur les industries lithiques de l’abri Pataud, de la grotte de Font-Yves et de la Gravette afin de documenter ces processus. Le dernier niveau aurignacien de l’abri Pataud, la couche 6, est daté de 29347 ± 1374 BP et 28510 ± 280 BP (GrN 6273) (Bricker, 1995). Son intégrité a été vérifiée par une étude géo-archéologique récente (Agsous et al., 2006). L’étude du matériel révèle une diversification importante des productions, l’apparition d’objectifs originaux, comme l’obtention de petites lames rectilignes pointues, sous-tendus par de nouvelles modalités de débitage. Ces objectifs se distinguent structurellement des modes de production aurignaciens antérieurs et annoncent dans une certaine mesure les procédés gravettiens. La présence de pointes de FontYves dans ce niveau est confirmée par une comparaison avec le matériel de la grotte de FontYves. Cela tend donc à situer l’apparition de l’armature axiale rectiligne, caractéristique du Gravettien, à l’extrême fin de l’Aurignacien. Dans un dernier temps, l’industrie bayacienne est brièvement décrite. Il apparaît alors que la production de pointes de Font-Yves partage plusieurs conventions techniques avec les productions de fléchettes du Bayacien. Cette proximité traduit la possibilité d’un transfert des traditions techniques de l’Aurignacien vers le Gravettien. Le Bayacien peut en effet être considéré comme l’une des premières manifestations des traditions
gravettiennes (Pesesse, 2008b). Toutefois, certaines différences entre ces ensembles vont à l’encontre de l’hypothèse d’une évolution graduelle de l’Aurignacien au Gravettien. D’autres scénarios, plus complexes, permettent d’envisager la structuration de nouveaux Codes culturels, définis comme «gravettiens » . Au final, l’impression de césure entre Aurignacien et Gravettien héritée de l’histoire de la discipline tend à s’estomper au profit d’une vision plus anthropologique de cet épisode de changements culturels.